PFIA 2024
Le cyber-réductionnisme en question ; renoncer, succomber ou refonder ?
Comme dernier avatar de la modernité, l’IA participe de tous les fantasmes quant au prétendu nouveau monde qui vient. L’utopie techno des uns fait la dystopie punk des autres. On voit la “marque” IA partout faire surface comme promesse de productivité, d’efficacité et de temps libre. On l’associe, bon gré mal gré, à toutes les dimensions, sérieuses ou pas, du grand rêve futuriste : la robotique, les sciences cognitives, la science fiction ou le transhumanisme. Et on passe allègrement du jeu de l’imitation comme expérience de pensée ou fiction théorique, au drame annoncé par les uns, si ce n’est désiré par les autres, du grand remplacement par les machines dans la société si ce n’est l’évolution.
Pourtant, jusqu’ici, ce que j’appellerai par précaution l’“intelligence computationnelle”, était un domaine de recherche plutôt confidentiel, éclaté en différentes branches ne se réclamant pas toutes du projet de construire des « intelligences » dites « artificielles ». Cet état de fait, combiné aux freins technologiques auxquels se confrontait le domaine, ont fait que nous avions le luxe de pouvoir tracer une séparation claire entre scientifiques des champs de l’IC/IA d’un côté, et évangélistes, futurologues ou artistes de l’autre. Avec la phase 3 de l’histoire de l’IC/IA, ces frontières se sont brouilllées. Des scientifiques et des ingénieurs se retrouvent en promoteurs, conscients ou pas, de tous les narratifs du complexe technico-socio-culturel qu’est devenue l’IA. D’autres cherchent à éviter la compromission en espérant revenir à un état dans lequel l’IA ne serait qu’un moyen, totalement sous contrôle, ou ne serait pas. Or, la recherche, ne peut et ne doit être partie prenante d’une idéologie ou d’un marketing social, même sous couvert des meilleures intentions. C’est pourtant le cas.
Néanmoins, plutôt que de se plaindre de la situation actuelle, il faut peut être se contenter de regarder les choses en face. Car, et c’est probablement le fait le plus important, l’IA nous échappe et sort de plus en plus du giron de la science pour prendre sa place en tant qu’objet culturel et technologique. Et il devient donc de plus en plus urgent de nous poser simplement la question du “que faisons-nous ?” plutôt que de nourrir la confusion généralisée du “où allons nous ?”.
L’objet de cette conférence est de reposer la question des fondements et de la méthode dans le champ de l’informatique théorique et de l’IA. Nous présenterons une analyse critique du discours actuel, et nous rappellerons les fondements scientifiques qui permettent de développer une pensée de l’intelligence computationnelle débarassée de ses sous-entendus idéologiques.